« J’avoue que même le fait de venir au procès me dérange. Je n’aime pas du tout venir au tribunal. Parce quand j’entends certaines réponses des accusés, cela aggrave ma douleur ».
Ces propos sont ceux d’une victime des massacres du 28 septembre 2009. Une victime qui, à l’image de beaucoup d’autres, avait pourtant accueilli l’ouverture du procès avec soulagement et espoir. Mais aujourd’hui, chez notre interlocutrice, l’espoir a cédé la place à la colère et une indescriptible appréhension. En effet, depuis deux mois que les accusés défilent les uns après les autres devant le tribunal criminel de Dixinn, on ne peut pas dire que cela augure de la manifestation de la vérité. Les accusés nient systématiquement les faits mis à leur charge. Arborant un visage crispé et rongée par un sentiment de révolte, Asmaou Diallo présidente de l’Association des Victimes, parents et amis des Massacres du 28 septembre 2009 (AVIPA), ne cache pas son amertume.
« Ils (les accusés) savent où se trouve la vérité, mais ils refusent de reconnaître. Ils préfèrent encore faire plus mal aux victimes. La blessure demeure toujours ouverte, il faudrait qu’ils aient pitié un peu du peuple de Guinée et des victimes surtout. Aujourd’hui, le procès suscite un grand engouement. Il est au cœur de tous les débats. Mais nous les victimes, quand on écoute ce qui s’y dit, on a très mal dans notre chair. Nous savons ce qui s’est passé, nous savons ce qui nous est arrivé. Mais voilà que ceux qui étaient là et qui nous ont fait subir ce que nous avons subi disent qu’ils n’en savent rien. Laissez-moi vous dire que cela dérange, c’est même traumatisant » s’indigne-t-elle.
Ayant perdu son garçon lors de ces massacres, Asmaou Diallo voudrait cependant croire que justice sera rendue et que les victimes seront indemnisées. Son optimisme reposant sur les dispositions que l’Etat et les partenaires ont prises, en vue de soulager les victimes.
« Déjà le gouvernement a pris des engagements pour accompagner les victimes, cela nous réconforte. Aujourd’hui, pour leur déplacement de leurs quartiers jusqu’au tribunal, le gouvernement a octroyé deux bus pour les transporter. En plus, il y a des gendarmes qui sont dans le bus pour leur sécurité », reconnait-elle. Toutefois, poursuit-elle, « par rapport à leur prise en charge pour la collation, rien n’est fait encore. Elles passent toute la journée au tribunal sans collation », indique dame Asmaou Diallo.
Dans le procès, il est prévu que les victimes viennent témoigner. Et il y en a qui sont prêtes à le faire à visage découvert. C’est le cas de Oumou Barry. Aujourd’hui âgée de 63 ans, elle en avait 50 quand elle a été violée. Par ailleurs, son omoplate droite avait été déplacée sous l’effet de la violence exercée sur elle. De tout cela, elle garde les stigmates. Les séquelles sont jusqu’à présent visibles. La sexagénaire avoue qu’elle est de moins en moins à l’âge à l’idée de témoigner.
« Avant, je n’avais pas peur, parce que c’est nous qui avons demandé que nous soyons face à face avec nos bourreaux. Mais à voir comment ils manigancent et mentent éhontément, il y a de quoi se poser des questions. Parce qu’on ne sait pas qui est qui dans la salle d’audience, dans les quartiers. Le monsieur qui est intervenu tout dernièrement (Dadis), je suis voisine à son oncle, je passe devant chez lui pour sortir du quartier, donc j’ai peur pour ma sécurité » alerte-t-elle.
Concernant justement l’aspect sécuritaire, le procureur de la république près le tribunal de première instance de Dixinn, Algassimou Diallo avait pourtant rassuré les victimes que toutes les dispositions seront prises pour leur protection avant même le démarrage de ce procès historique.
Les massacres du 28 septembre 2009, dans l’enceinte du stade du même nom figurent parmi les événements sombres du pays. Des femmes y ont été violées, des personnes tuées. Aujourd’hui, les victimes demandent que justice soit rendue et que les auteurs et commanditaires soient condamnés à la hauteur de leur forfaiture.
Pour rappel, onze personnes se trouvent dans le box des accusés. Ils sont poursuivis entre autres pour meurtres, viols, destructions de biens publics, non-assistance des personnes en danger, coups et blessures volontaires…
Hasso Bah